Arthur Rimbaud, Ma Bohème

samedi 18 mai 2013

Les soirs de printemps,
Bleus aux natures d'or,
S'ouvre un bois chantant
Et multicolore.

Les vergers sont tièdes,
Pleins de gros fruits chauds,
Buvant sous les cèdres
Un rayon nouveau.

Le soleil coule,
Blond dans la prairie,
Sous les arbres roulent
De longs clapotis.

Les prés odorants,
Vers les cieux bruns,
Montent chaudement
Un nid de parfums.

vendredi 29 mars 2013

Je vis seul avec milles questions,
Ainsi qu'un môme à genoux.
Front rêveur au sale carreau blond,
Triste coeur plein de remous.

Combat nu



L’Aube
Secouait en rond sa chevelure nouvelle
Accrochant aux grands bois des larmes de miel.
Je me baignais dans les rayons voluptueux,
L’herbe fraîchit et les douceurs vermeilles, heureux !

Ses hanches avaient la pureté d’un violon
D’ébène tendre, aux parfums mats des saisons.
Lèvres : mûre, framboise ; d’un souffle de couleur
Frémissaient les prairies ; « voici chanter les fleurs ! ».

Et, rêveur, je sentais la fraîcheur de mon front
Au creux de l’immense épaule ; puis à ses longs 
Reins : où la lumière coulait ; j’en bu un peu
Allongé dans les prés, sous l’étendu sein bleu…

Bohème dès lors, j’ai maudit tous les chemins,
Vogué parmi les rousseurs tumultueuses,
Arpenté tous les sentiers verts et orphelins,
Battu les vents cruels des sirènes charmeuses.

J’ai valsé sur les flots bruns des mers inconnues
– Souvent mes voiles ont pleuré dans la tempête –
Remuant les sables lourds des abîmes nus ;
Debout, contre les rafales hurlantes et bêtes.

– J’écoutais les roulis doux moussant d’écume
Des vagues d’argent, brodées de fines étoiles,
Feu follet sur l’eau, dansant comme des plumes
Près de mon cœur, gonflant comme une grande voile –.

J’ai dormi dans les cieux blonds encore chauds,
Lorsque le jour fermait doucement son volet.
Et senti les houles noires, infini sanglot,
Pleurer de longs horizons rouges et violets.

J’ai retrouvé les trésors que l’homme oublia.
Blanche Liberté, ainsi qu’une femme à genou.
J’ai étreint son puissant corp, riant près des bois,
Portant son mouchoir d’azur aux papillons fous.

Au bout, Enfant, j’ai vu ce que l’homme appauvrit :
Le sirop de sang roux gonflant la terre bleue,
Le cosmos végétal – les pierres flamboient et rient ! –
L’Aurore me dit son nom, mariant mers et cieux.

dimanche 24 mars 2013


Pour Sanam

"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant"
Paul Verlaine

Nos pieds nus, que borde un ruisseau chantant, vont sous de longs
Prés verts ; Baignant dans un chaud soleil, à midi,
Nous marchons dans le ciel et par les blés jaunis.
Les Parfums bercent nos ventres nus et blonds.

A chacun de nos doux baisers perle l'amour
Infini. Nous allons par les bois bruns des soirs
D'été, et les vergers tièdes - Raisin et poire ! -
Près du feu, la nuit, poches trouées et pieds lourds,

Tu pose la tête dans mon épaule bleue
Et contemple l'Etoile - Je rêve dans tes yeux,
Brodés de flammèches - aux ombres qui bougent.

Le vent se pâme, l'Aube se lève d'un bras
Orangé - Où l'Etoile a pleuré rouge -
Et chauffe nos fronts roses et vermeils, comme un drap.

                                                       Edema Ruh.

"Tu viendras, tu viendras, je t'aime !
Ce sera beau
Tu viendra, n'est-ce pas ?"
Arthur Rimbaud